Ça commençait mal ! Sous les avalanches, où l’auteur raconte banalement la beauté banale de sa chère et tendre. Pas très inspiré à première vue, osant la rime igloo/partout… Mouais… Mais bon, au final, il faut plutôt prendre ça à la pochade, comme le prouve M. Rochefort dans le clip associé pour le moins pas banal… C’est un peu pareil pour le reste de l’album. Delerm semble moins inspiré, et paraît moins livrer de sa personne.

Mais là où il laisse (quasiment) tomber le name-dropping (ouf ! on en avait trop bouffé sur Kensington) quasi copyrighté et ses préoccupations d’étudiant trentenaire (bon il avoue quand même toujours qu’un “bizutage sup de co” le tenterait bien), il récupère en contre-partie un début d’universalité sentimentale, chère à son maître en chanson française, M. Souchon.

Bref, que ce soit Je t’ai même pas dit ou les regrets connus de toutes et tous de pas avoir avouer ses sentiments avant le point de non-retour, ou encore Marine, narrant un ménage à trois (2 personnes et un souvenir) assez communément vécu, le Vincent commence à s’ouvrir au monde extérieur.

Signe de cette extravertisation, Sépia plein les doigts, vignette plutôt caustique de la France-avant-c’était-mieux ou encore Il fait si beau, où enfin Delerm se montre heureux de vivre, tant et si bien qu’il fait si beau mon amour/si beau ce matin/que je pourrais faire la cour/à Christine Boutin (bon OK, il name-droppe toujours un peu le petit…).

Évidemment, son environnement et sa personne sont encore bien présentes, que ce soit À Naples il y a peu d’endroits pour s’asseoir (m’est avis que cette phrase a réellement était prononcée devant lui), Déjà toi, sans doute une auto-fiction d’un début d’histoire sentimentale, ou encore Voici la ville qui dépeint avec une certaine justesse Rouen, “[ses] antiquaires et préfet/La bourgeoisie docile […] la Seine en contrebas/Dans la nuit les usines”, la ville de ses années lycée/fac.

Mais encore une fois, il transcende ses histoires individuelles, et parvient à les rendre évocatrices pour tous : qui n’a jamais fantasmer sur Les jambes de Steffi Graf ? (“Anna Kournikova”, c’était trop long…) Qui n’a jamais décortiqué en quête de sens le livret de son disque préféré quand passe sa chanson favorite ? C’est ici le thème de Favorite song, ma chanson préférée de l’album (ça tombe bien !) où le duo Delerm/Hannon est parfait, l’un qui dit avoir été fan et l’être encore de la Comédie Divine, chanter sa chanson préférée sans en comprendre un mot; l’autre se questionnant sur la signification de “javanaise”, “poinçonneur des lilas”, “poupée de cire”…

Delerm dévoile enfin son amour de la chanson pop, non seulement dans ses paroles, mais surtout dans ses musiques et arrangements. Là où Kensington faisait dans le baroque (pour le plus grand bonheur de tous les amateurs du Sir Hannon sus-cité), le voilà, bien épaulé par Peter Von Poehl, ponctuant ses chansons de “Sha la la”, laissant s’insinuer un tambourin discret, plaçant la batterie souvent en avant, tout en sifflotant à tue-tête…

Au final, un disque un peu décevant à la première écoute, pour qui voulait une nouvelle redite des 2 précédents LP, qui s’avère par la suite être le disque le plus abordable et sans doute le plus recommandable pour ceux qui ne connaîtraient encore le monsieur que par l’intermédiaire des critiques de journalistes et d’artistes tout aussi bobos que celui qu’ils stigmatisent…

Laissons les derniers mots à l’artiste, avec sans doute des paroles qui s’inscriront dans les prochains manuels scolaires d’Histoire-Géo (dans la partie, La France de l’entre 2 guerres) :

Les chansons d’avant-guerre
Ça, on savait les faire
Viens poupoule, Hue pépette !
Alors on se fait pouet pouet !