Mai 1972, les Rolling Stones arrivent sur le continent américain pour y entamer une tournée qui les enverra de Vancouver à New York. Baptisée S.T.P. (Stones Touring Party), elle se conclura par trois dates au mythique Madison Square Garden. Ce sont ces deux mois intenses que Robert Greenfield raconte dans S.T.P. À travers l’Amérique avec les Rolling Stones.

Commençons par rappeler le contexte. En 1972, les Stones sont à leur apogée, tant en matière de création (Sticky Fingers a 1 an, son petit frère Exile On Main Street vient de sortir) que de polémique (ce dernier a été enregistré lors de l’exil fiscal des Stones en France). Ils n’ont pas remis les pieds aux États-Unis depuis le drame d’Altamont en 1969. Autant de raisons pour que la tournée soit électrique : les pro et les anti-Stones vont tous être au rendez-vous.

Le livre de Greenfield nous raconte la chronologie détaillée de ces deux mois, le voyage de l’ouest à l’est jusqu’au final à New York que tout le monde attend et qu’il va falloir atteindre sans encombre. Pourtant, il n’y parle pas tellement musique mais davantage de l’organisation des concerts, des nuits qui les suivent et de toutes les personnes qui auront pris part à l’épopée de la tournée, pour un jour ou deux mois.

Mick et Keith ont beau être les deux protagonistes principaux de la tournée, ils ne sont pourtant que des personnages secondaires dans le livre. La plupart du temps hors-champ, on ne les voit pas davantage que Peter Rudge — le responsable de la tournée —, Chip Monck — designer des lumières et chargé de communiquer avec le public quand les choses tournent mal — ou Robert Franck — aux manettes du documentaire vidéo de la tournée qui deviendra le légendaire Cocksucker Blues.

En tout, l’équipe STP est composée d’une trentaine de personnes. Certaines sont là en permanence : l’équipe d’organisation, les techniciens et les roadies, l’équipe de tournage de Robert Franck, un médecin, les amis proches des Stones, l’équipe de Stevie Wonder (il assure la première partie sur toute la tournée). D’autres sont simplement de passage : Truman Capote est là pour écrire un article sur la tournée qui ne verra jamais le jour et est accompagné de la princesse Lee Radziwill (la jeune soeur de Jackie Kennedy) mais aussi des groupies, des gardes du corps de piges, etc.

Les Stones et les managers de la tournée sont des professionnels du star-system. Les tournées, ils connaissent et en verront d’autres. Mais dans l’équipe STP figurent aussi des novices dont la vie se transforme par la tournée et Greenfield les observe et leur prédit un retour de bâton lorsqu’une seule pensée les paralysera une fois leur job sur la tournée terminé : “et maintenant quoi ?”.

Sur la route, des péripéties savoureuses ont lieu. À Chicago, le groupe loge quelques jours dans la demeure décadente du fondateur et propriétaire de Playboy, Hugh Hefner. Plus tard, Mick Jagger préside un procès interne suite au passage à tabac d’un pote de Keith par un garde du corps. La plus épique reste l’arrestation du groupe avant un concert à Boston.

Les mauvaises conditions météo empêchent l’avion des Stones de se poser à Boston : ils vont devoir atterrir à une bonne heure de route de là. Un photographe fan des Stones est mis au courant, se pointe à l’aéroport mais agace un peu trop Keith qui lui envoie un coup de ceinturon en pleine tronche. Le sergent de police en poste finit par embarquer tout le groupe en cellule. Pendant ce temps-là, au Boston Garden, Chip Monck doit gérer une foule de kids qui attend de pied ferme le concert des Stones. Le héros de l’histoire est Kevin White, le maire de Boston, qui appelle le gouverneur de Rhode Island pour faire libérer les Stones, monte lui-même sur scène pour annoncer au public la raison du retard des Stones ainsi que leur arrivée prochaine, et promet que les transports en commun attendront la fin du concert - ce sera à deux heures du matin - pour ramener les spectateurs chez eux. Il paraît que sa popularité soudaine parmi la jeunesse de Boston aidera à le faire réélire quelques temps plus tard.

Le livre se conclut logiquement par la dernière date des Stones à New York, qui coïncide avec le 29ème anniversaire de Jagger. Pour fêter ça, Chip Monck souhaite un chaos total sur scène mais toutes ses idées finissent par arriver aux oreilles des dirigeants du Madison Square Garden qui les interdisent aussitôt : il n’y aura donc pas d’éléphant sur scène, ni de lâcher de ballons, de farine ou de poulets (deux complices ont pourtant fait un test concluant en lâchant un poulet du haut d’un building en plein Manhattan : ils savent voler !). D’ailleurs, après l’idée des poulets, la direction du Garden fait colmater tous les orifices du toit. Ce sera donc finalement une simple bataille de tartes à la crème que Monck aura caché sur scène après s’être fait confisqué plusieurs cartons/leurres qui en étaient remplis.

La dernière page refermée, c’est inévitable, une envie frénétique surgit : trouver coûte que coûte le moyen de voir les images tournées par Robert Franck lors des deux mois, le fameux Cocksucker Blues ! À suivre au prochain épisode…