Dans le paysage rock actuel, il existe un certain type de groupes que le fan n’espère même plus voir passer dans la petite salle locale. Sa notoriété planétaire colossale l’en empêchera. Pourtant, on ne le verra pas non plus dans les stades de la région et son apparition à l’affiche des festivals estivaux sera également relativement rare et toujours réservée aux plus prestigieux. Leurs lieux de concert de prédilection en France ? Les décors exceptionnels des arènes de Nîmes… Ou de la grand’place d’Arras… Et s’ils jouent encore en France, c’est simplement parce que jouer devant les pyramides d’Egypte est trop dur à négocier diplomatiquement. Ces groupes, nous les appellerons les “Jean-Michel Jarre du rock”.

Au rang de ceux-ci figure Radiohead. Groupe noyé dans la Britpop au milieu des années 90, émergé grâce au succès du colossal single Creep et s’étant procuré leurs éternels lauriers de Jean-Mi du rock grâce à leur chef-d’oeuvre OK Computer, Radiohead était de passage en France pour défendre leur récent In Rainbows. 4 dates uniquement : 2 Bercy et 2 dates à Nîmes, point barre, ce qui prouve que bon, OK, j’exagère, Radiohead fait aussi des salles parisiennes “traditionnelles” mais qu’en ce qui concerne la province, seule Nîmes et ses arènes sont assez méritantes pour voir le groupe s’arrêter par chez elles.

Admettons-le, le cadre est, malgré mes a priori, franchement exceptionnel. Les arènes sont coupées en deux, scène d’un côté, public de l’autre. Au-delà de la fosse, quelques lignées de sièges bien rangés mais après, vaste et joyeux bordel où les gens s’assoient, s’allongent ou restent debout, peu importe, on est contents car on vient d’un peu partout en France et que c’est pas franchir des marches de 80 cm de haut qui vont nous empêcher de savourer le concert après s’être avalés plusieurs centaines de bornes à l’arrière de la Clio.

Dans un silence étrange mais respectueux, Bat For Lashes propose une 1ère partie assez saisissante. Ça ressemble à Björk se saupoudrant d’un peu de rock’n’roll et en vachement plus jolie. Malgré cela, le public reste passif et sera remercié d’un “thank you for being so quiet” à l’ironie indécidable.

À 22h pétantes, drapeaux tibétains et pantalon rouge de sortie, Thom Yorke et ses sbires entament leur concert. Des titres majeurs du groupe sont attendus en vain (Karma Police et Creep notamment ne seront pas joués de la soirée), d’autres sont interprétés avec une puissance euphorisante (très amballant Bodysnatchers, formidable Paranoid Android) et le groupe sort de scène. Quoi ? Déjà ? Mais il est à peine… Ah oui, non, OK, 23h20, en fait ça va. Bref sondage autour de moi, tout le monde s’est fait avoir, maîtrise parfaite du rythme du concert, jeux de scène hyper efficaces, lumières spectaculaires : le groupe a avalé le temps. Plusieurs rappels suivent, le public quitte les arènes avec l’oeil qui pique. Rien d’étonnant à cela, on s’en est pris plein la vue. Être un Jean-Mi’, ça se mérite. Voir un Jean-Mi’, ça se savoure.

Photo : © Fanny M.