Il y a quelques semaines, par téléphone :

— Dis-donc, le Vauban fête ses 50 ans pendant toute une semaine et y’aura des concerts de Miossec le jeudi et de Tiersen le vendredi, je te prends une place ?
— Merde, je serai pas là, y’a rien le samedi ?
— Bof, Little Bob.
— J’achète !

Bien sûr, je le concède aujourd’hui, le choix d’aller voir Little Bob était un choix par défaut. Mais bon sang, il ne sera jamais regretté.

C’est qui Little Bob ?

Si tu connais pas Little Bob, tu dois pas lire Rock&Folk bien souvent toi ! Dans Rock&Folk, Philippe Manoeuvre et ses anciens combattants du rock n’hésitent jamais à parler des copains et des vieux de la vieille, à l’ancienne. Et Little Bob est régulièrement cité. Très souvent cité. T’as qu’à regarder la couverture du numéro actuel si tu me crois pas ! (en bas à droite)

Du coup, ça titille la curiosité, et une recherche Wikipedia plus tard, on sait désormais que Little Bob est le pseudo de Richard Piazza, stackhanoviste du rock, le blues dans le corps et le Havre dans le coeur, sorti d’un garage, le micro et l’ampli à la main, hurlant à qui voulait l’entendre que le rock avait sa place en France.

Alors Little Bob fonde les Apaches, Little Bob and the Red Devils, Little Bob Blues Gun avant, enfin, de créer Little Bob Story en 1971. Le groupe restera injustement peu connu en France, même si avec I’m Crying, extrait de leur premier album, High Time (la référence au MC5 est claire), le groupe se paie pourtant le luxe d’être Single of the Week du NME en 1976 :

Et alors, ce concert ?

Le concert avait donc lieu au Vauban, salle brestoise qui fêtait son anniversaire en grandes pompes. C’est avec un nouveau groupe, Little Bob Blues Bastards, que notre ami se présente sur scène. Le line-up annonce la couleur. À part un batteur qui pourrait éventuellement postuler pour une carte 12-25 (Jérémie Piazza, le neveu du patron), le reste du groupe semble avoir déjà déroulé pas mal de câble :

  • Bertrand Couloume à la contrebasse, cool et nonchalant, qui joue avec Bob depuis plus de 20 ans
  • Gilles Mallet, dit Gillou, à la guitare, nous fait un spectacle d’imitation de Keith Richards
  • Alain Durand-Bougere, dit Mister Mickey Blow, harmoniciste génial dont la biographie précise qu’il aura été membre des Stunners et accompagné Johnny Thunders (des New York Dolls) sur scène

Mélanges de reprises et titres originaux, le blues des Bastards fait mouche. Et la générosité de Little Bob et ses sbires séduit. Visiblement, Tiersen et Miossec avaient déçu les jours précédents, mais là, Little Bob remporte les suffrages, le public sort conquis.

Exemple du groupe jouant live, à la Maroquinerie, en 2011 :

Et maintenant, quoi ?

Il y a d’abord cette vidéo où le groupe joue en studio (Break Down The Walls), et où Little Bob présente un peu les Blues Bastards et ses influences :

Et puis ça vaut le coup d’aller les écouter un peu ces influences ! Alors, je vous ai préparé un petit mix sur Spotify. Ça commence par une collection de vieux singles du Little Bob Story (la pochette du disque - vivent les Santiags rouges -, et la reprise de Please Don’t Let Me Be Misunderstood valent leur pesant de cacahuètes), puis quelques unes des versions originales de ses influences revendiquées, avant de finir par quelques titres du Little Blues Bastards.

Écouter sur Spotify

Et enfin, sachez qu’un documentaire sur Little Bob, Rocking Class Hero est en cours de production. Ça devrait pas être triste, tiens.

Un mot de Serge Kaganski

Update : Serge Kaganski donne des news du projet Rocking Class Hero ici. Apparemment, le film est prêt mais pas encore de distribution.

En post-scriptum de ce post et de celui sur le cinérock, un doc sur une légende du rock français, elle aussi old school : Rockin class hero de Laurent Jézéquel et Gilbert Carsoux, 52 minutes fumantes sur Little Bob, sa Story et son histoire. Les réal’ ont suivi Bob en concert, en studio et au Havre pendant des mois, ils ont recueillis les témoignages d’Eric Burdon, Rat Scabies, Pretty Things, Glen Matlock, Wilko Johnson, Teyssot-Gay (Noir Désir), Manu Chao, Didier Wampas, Philippe Garnier et Manœuvre, Aki Kaurismaki, Marc Zermati… et votre taulier (ayant zéro intérêt financier dans cette affaire, je me permets d’en parler librement).

Ce docu vif, nerveux, émouvant, raconte une histoire du rock en France mais aussi un destin peu commun : celui d’un immigré rital, prolo, petit, gros, myope, qui a su accorder sa vie à son désir — chanter le rock et le rythm’n’blues en VO avec des guitares qui cisaillent, au pays de Guy Lux, de la chanson rive gauche, de la variété et des quotas radiophoniques de chansons en français. Pas plus facile que les 12 travaux d’Hercule, mais Bob l’a fait et va bientôt fêter ses 50 ans de carrière.

Comme Johnny. Sauf que Little Bob est un genre d’anti-Johnny. Si Smet (que j’aime bien par ailleurs) incarne les compromissions du rock avec le showbiz variète gaulois, Roberto Piazza a toujours tenu bon sur ses choix, ses principes, sa musique. L’un est devenu riche et célèbre, l’autre pas, mais le plus loser des deux n’est pas forcément celui qu’on pense. Rockin class hero n’a pas encore de canal de sortie officiel, alors messieurs dames les distributeurs, programmateurs télé et directeurs de festivals, à vous !