101 est sorti en février. C’est le sixième album solo de Keren Ann et il rejoint ainsi une discographie plus qu’honorable mais à laquelle il manque le chef d’oeuvre ultime, le clou sans tâche, le sommet indépassable. Cette pièce rare, serait-ce 101 ?

Les premières bribes d’informations sur l’album n’incitaient pas à un optimisme aveugle. D’abord, Keren Ann affichait une coiffure que les plus branchouilles loueraient comme karenoesque mais qu’honnêtement, on qualifierait plutôt de mireillemathieuesque. Un article sur le web nous a depuis rassuré d’un «Nul saccage capillaire n’est non plus à déplorer» (en fait, ses cheveux sont dissimulés sous une perruque) mais l’esthétique général est lui aussi d’assez mauvais goût, s’inspirant peut-être d’une ambiance de voyou élégant genre Bonnie And Clyde mais échouant plutôt vers Tao chez les loulous.

En outre, le single ayant précédé l’album (et qui ouvre les débats sur 101), My Name Is Trouble, tout comme la vidéo qui va avec, m’inquiétaient au plus haut point. Certes, je peux, dans des circonstances exceptionnelles, aimer la disco. Par exemple quand on me demande de shaker mon booty. Mais quand c’est Keren Ann qui s’y colle, mes oreilles frissonnent d’angoisse : intime et touchante dans son registre folk habituel, sa voix devient hautaine et dédaigneuse lorsqu’elle se pose sur ce disco de bas étage. Keren Ann tient désormais son Miss You, mais faut-il s’en réjouir ?

Dès le second titre, Run With You, on retrouve une Keren Ann plus familière et qu’on aime mieux, il faut bien le dire. Malgré tout, le titre est un peu faiblard. All The Beautiful Girls est de meilleure facture - et est sans doute un des meilleurs titres du disque - mais sa ressemblance avec Au coin du monde, un titre de son second album, ne fait que renforcer ce sentiment qui s’impose tout au long de l’écoute du disque : Keren Ann semble s’ennuyer dans son registre habituel mais sort de piste à chaque fois qu’elle s’engage sur une nouvelle route.

C’est vrai, c’est sans doute un jugement un peu dur, d’autant qu’il y a des titres intéressants sur ce disque. Sugar Mama l’est particulièrement : Keren Ann arrive à se réapproprier un riff à la Funky Town et, grâce à une structure tarabiscotée autorisant les grands écarts, parvient à l’alterner avec un refrain qui, rationnellement, ne ressemble aucunement à Of Montreal mais m’y fait penser à chaque écoute. Blood On My Hands est une cousine de My Name Is Trouble dans le registre de gangster revendiqué pour l’album mais est nettement plus réussie.

Après le disco des Stones et la funk de Lipps Inc., Keren Ann continue son hommage à la musique américaine (l’Encyclopédie Approximative du Rock’n’Roll vous le confirmera un jour, les Rolling Stones devinrent américains à partir de 1978) en citant le Everybody’s Talkin’ d’Harry Nilsson sur She Won’t Trade It For Nothing, ou le Blowin’ in the wind de reprenant Dylan sur Daddy, You Been On My Mind.

Mais Keren Ann n’est jamais aussi forte que lorsqu’elle touche la corde sensible et c’est finalement Strange Weather qui me semble le meilleur titre de l’album : une belle mélodie, un chant intense, une production certes familière mais ambitieuse. Voilà la Keren Ann que l’on aime.

J’avais bien aimé l’exercice de la compile pour les nuls d’Interpol, alors rebelote, outre le conseil d’écouter La Disparition, le meilleur album de Keren Ann jusqu’ici, voici la compile Keren Ann pour les Nuls :

  1. Sur le Fil
  2. Au Coin du Monde
  3. Surannée
  4. La Disparition
  5. Sailor & Widow
  6. Spanish Song Bird
  7. Chelsea Burns
  8. Midi Dans le Salon de la Duchesse
  9. Lay Your Head Down
  10. Strange Weather
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