Detroit&Rock&Roll
Ben Swank, le batteur des Soledad Brothers, et pigiste occasionnel pour The Guardian avait réagi en 2008 au visionnage d’un documentaire de la BBC, Motor City’s Burning: Detroit From Motown To The Stooges.
L’article original est ici, en voici une traduction faite maison :
Le 23 juillet 1967, la plus grande émeute de l’histoire des États-Unis a éclaté dans les rues de Detroit. Tandis que Dancing In The Streets de Martha Reeves semblait retentisser à chaque fenêtre de la ville, celle-ci brûlait, les gens pillaient et des espoirs de révolution - « rock and roll, drogue et baise dans les rues » - ont émergé. Puis, des hélicoptères de la Garde nationale américaine ont atterri à Clark Park, mon ancien quartier, et des chars ont été déployés dans les rues. Cinq jours plus tard, 43 personnes avaient été tuées parmi lesquelles 33 étaient noires.
Le Detroit du milieu des années 60 n’était pas facile à vivre pour la classe ouvrière de la ville. Alors que la Motown envahissait les premières places des charts avec une série de 13 numéro un consécutifs, les ouvriers de l’industrie automobile, dont les chaînes d’assemblage avaient inspiré le modèle économique du label, vivaient au-dessous du seuil de pauvreté et luttaient contre un racisme institutionnalisé et profondément enraciné. Alors que Black Bottom, le légendaire quartier de Detroit, avait influencé et donnée naissance au son de la Motown, les urbanistes de la ville étaient en train de le condamner pour laisser place à l’autoroute. Detroit a souvent tourné le dos durant son histoire.
Regarder le documentaire de Ben Whalley Motor City’s Burning: Detroit From Motown To The Stooges, m’a laissé des sentiments mitigés envers ma ville d’adoption. Même si j’y ai grandi 20 ans après que l’endroit ait (littéralement) explosé, c’est la musique et l’environnement avec lesquels j’ai grandi. La Motown passe toujours sur presque toutes les stations de radio du Michigan, et les magasins de disques d’occasion sont remplis de vinyls de Fortune ou de copies bien usées de Kick Out The Jams. Detroit n’a jamais bénéficié de « renaissance » et les conséquences des émeutes n’ont jamais été aussi profondes. Mais il y a toujours cette sensation d’aventure urbaine que John Sinclair1 décrit dans le documentaire. Sinclair a toujours été un de mes héros : son parti des White Panther a influencé mon groupe, les Soledad Brothers, et il a écrit les notes de pochettes de mon premier album.
Alors pourquoi Detroit continue de pondre le meilleur rock’n’roll ? À bien des égards, la ville s’est arrêtée après les émeutes, il n’y a donc pas de séparation entre ce qui est vieux et ce qui est nouveau. C’est la clé du génie des White Stripes, la raison pour laquelle les Stooges étaient le meilleur groupe à Glastonbury l’année dernière, et pourquoi il y aura toujours du rock’n’roll brut, décharné et teinté de soul, qui sortira de cette ville. Il y a beaucoup de similitudes entre la scène des années 60 du documentaire de Whalley et celle du « garage revival » dont j’ai fait partie (un gros groupe devient énorme et d’autres groupes en profitent, d’autres fuient, d’autres se confortent dans leurs choix de départ), même si je considère que ces deux scènes n’en forment qu’une en réalité.
Le documentaire se termine avec l’ode à la détresse de la ville post-émeute, Living For The City, dont les Dirtbombs ont fait une reprise poignante sur leur album de 2001, Ultraglide in Black. […] Comme Sinclair le dit : «c’est comme la Nouvelle-Orléans après les inondations, sauf qu’il n’y a pas eu de catastrophe naturelle. L’Amérique a déferlé sur Detroit… »
Je souhaitais tout simplement partager cet article, et puisqu’il y manque quelques liens pour tout comprendre, les y ajouter.
En bonus, quelques liens, dont une compile Spotify :
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Pour creuser John Sinclair, je vous recommande de lire ma chronique de Guitar Army, un recueil de ses textes. ↩