Dans l’excellente série Brooklyn Nine-Nine, quand l’immature Jake Peralta demande s’il devrait devenir papa à son collègue Terry Jeffords, qui a la paternité joyeuse et comblée, celui-ci répond1 :

— Terry : Do not do it. […] They are a ton of work man. If you are not totally 100% sure you want them, you won’t survive.
— Jake : Is it really that hard?
— Yes! I never get any sleep. I’m always sick. I never get to watch anything i want on TV. I still haven’t finished Breaking Bad but i can recite Moana from memory.

Le résumé est parfait. Dans mon cas, Les Aristochats remplacent Moana. J’ai vu le film au moins 50 fois en 2020, parfois concentré, parfois d’un seul œil, parfois fiévreux. Merci le confinement. De cette répétition sont nées des théories certainement consternantes, mais je vais les partager avec vous. Générique.

Les catégories socioprofessionnelles

Adélaïde & Georges

Adélaïde est la richissime maîtresse des chats. Georges Hautecour est son avocat. Ils sont sensés être dans le camp des gentils, alors que les deux forment une paire de possédants de la pire espèce. Quand Adélaïde demande à Georges de passer la voir, la réaction-réflexe de ce dernier est un cinglant “qui attaquons-nous ?” qui en dit long sur une bien belle manière de se construire un patrimoine.

En outre, ils traitent assez mal le petit personnel. Quand Edgar se montre bien sympa, voire prévenant, avec chacun d’entre eux, les réponses désagréables fusent :

  • “allons allons Edgar, ne faites donc pas tant de zèle”
  • ”lâchez donc ma canne voyons”
  • “bonté divine Edgar, je connais Monsieur Hautdecour”

Un petit “merci” aurait été d’une meilleur convenance.

Le cynisme devient total quand après s’être autoproclamés “vieux fous aussi sentimentaux que des collégiens”, ils rédigent ensemble un testament qui lègue la fortune collosalle d’Adélaïde (des actions, des obligations, un hôtel particulier à Paris, une maison en Touraine, etc) à… des chats.

Edgar

Edgar est le majordome d’Adélaïde. Plutôt bonne pâte et attentionné au début du film, sa vénalité déçue par les décisions insensées des possédants — c’est-à-dire par le contenu du testament — vont le faire basculer dans le camp des méchants. Un rien bras cassé, son plan n’a ni queue ni tête mais il a recours à la violence. À qui d’en porter la responsabilité ?

Les Aristochats

Duchesse et ses 3 rejetons, Marie, Toulouse et Berlioz forment une famille monoparentale à l’éducation solide quoique viciée par des stéréotypes où la femme, par exemple, doit être belle et gracieuse, aimable et distinguée. D’abord aveuglément loyaux envers Adélaïde, et un rien méprisant envers Edgar — “cette vieille face de rat” —, ils sauront pourtant, une fois privés de leurs privilèges, faire vie commune avec les chats de gouttière, quand bien même ils les considéraient comme des ennemis potentiels au début du film.

Les chats de gouttière

O’Malley en tête, les chats de gouttière n’ont ni capital, ni salaire. Squatteurs et bons vivants, leur communauté riche de mixité se méfie des possédants dont elle n’attend rien. Loyaux et solidaires les uns envers les autres, ils n’hésitent pas à secourir les Aristochats quand ils sont en danger.

La dynamique de groupe

Les possédants ne pouvant mettre en place une répartition équitable des richesses, Edgar va avoir recours à la violence. Les Aristochats et les chats de gouttière vont eux montrer qu’une société où les privilèges sont remis à zéro peut créer des synergies positives — motivées par des intentions sexuelles, on ne va pas se mentir — entre des groupes sans capital.

Par un raccourci aussi précipité que cavalier, on voit donc que la réponse de Walt Disney à la crise de gilets jaunes est la mise en place d’une anarchie sans compétition entre ses membres, qui élimine la violence et rétablit une justice sociale.

CQFD.

  1. Épisode Casecation de la saison 6.